Les Conseillers Médicaux en Environnement Intérieur
Nous passons en moyenne 80 à 90 % dans des environnements intérieurs : domestiques, professionnels ou autres. Les polluants rencontrés sont multiples et les pathologies associées nombreuses.
La mise au point de méthodes de mesure des allergènes domestiques a permis de mieux quantifier les polluants, de faire le lien avec les symptômes d’allergie et d’apprécier l’effet des méthodes d’éviction des polluants.
Pour réaliser de façon la plus globale cette réduction de l’exposition allergénique, il est rapidement apparu que les médecins spécialistes et généralistes n’avaient ni le temps ni la formation pour proposer des conseils d’éviction orientés. Brandt a montré lors d’une étude effectuée auprès des allergologues américains la nécessité d’une visite à domicile (1) pour avoir une vue précise de l’environnement des patients. Pour cela, il faut un audit de qualité de l’environnement intérieur et proposer des conseils d’éviction en fonction des niveaux d’exposition mesurés et des habitudes culturelles du patient.
Une nouvelle activité professionnelle
C’est pourquoi, nous avons créée en 1991 à Strasbourg une nouvelle activité professionnelle, les Conseillers Médicaux en Environnement Intérieur (C.M.E.I.). Grâce à une étude prospective, randomisée, multicentrique, réalisée de 1999 à 2000, comprenant 378 patients, l’intérêt des C.M.E.I. a été démontré sur l’observance des patients aux mesures d’éviction et sur les taux d’allergènes d’acariens (2)
La validation clinique des CMEI a été obtenue par le travail de l’équipe de Morgan (3). Il a également été montré dans ce travail qu’il existait une corrélation entre l’amélioration clinique et la réduction de l’exposition allergénique. Une autre publication de Krieger et collaborateurs (4) a conforté l’idée de l’éviction la plus globale possible. En effet, dans ce travail, ils ont comparé l’intérêt de n’envisager des mesures d’éviction que pour un allergène par rapport à une éviction la plus globale possible de tous les allergènes auxquels le patient est sensibilisé en y associant aussi les moisissures et le tabagisme.
Les C.M.E.I. sont des professionnels qui peuvent intervenir sur demande des médecins pour des pathologies en lien avec des polluants domestiques : les acariens, les allergènes d’animaux, les moisissures, les blattes et les polluants chimiques tels que : les composés organiques volatils (COV), le formaldéhyde, le dioxyde d’azote (NO2).
Les C.M.E.I. font un audit de la qualité de l’air intérieur à l’aide d’un questionnaire standardisé et mesurent les polluants incriminés lors du diagnostic médical. Cette visite à domicile est gratuite lorsque le CMEI est rattaché à une structure publique (ex : Hôpitaux, ARS, Service d’hygiène des Villes, Mutuelle ou prestataire de service pour l’oxygène…) ou peut être payante lorsque l’activité s’exerce de manière libérale.
Ces conseils permettent aux patients de modifier leur environnement (ex : housse anti-acariens pour les matelas, sommier à lattes, revêtement de sol lavable, choix des peintures, des produits d’entretien …) ou parfois des changements dans les habitudes de vie (ex : fréquence d’aération, suppression des parfums d’intérieur…). Le partenariat avec d’autres professionnels (ex : ARS service environnement et santé, services communaux d’hygiène et de santé des villes, Atmo-Grand Est, ADIL, CAUE, Centre Anti-Poison …) est souvent nécessaire.
Une formation adaptée pour exercer cette activité
En ce qui concerne la formation, : actuellement, 227 C.M.E.I. ont obtenu le Diplôme Inter-Universitaire de santé respiratoire et habitat (avec les Universités de Brest, Montpellier, Paris, Toulouse, Strasbourg). Depuis 2007, une licence professionnelle des métiers de santé et de l’environnement a été créée. Par ailleurs, la création et le développement des conseillers médicaux en environnement intérieur ont été inscrits dans les différents Plan National de Santé Environnement (PNSE 1 à PNSE 3).
De même, dans les recommandations pour le diagnostic, la prise en charge et le traitement de l’asthme du nourrisson de moins de 36 mois en 2008, il a été recommandé de faire appel aux conseillers en environnement. Par ailleurs aux Etats-Unis, l’équivalent des CMEI sont considérées comme coût- efficace et leur développement est recommandé par l’EPA (Environnement Protection Agency) et le CDC (Center of Disease Control and Prevention).
Une étude multicentrique française : ECENVIR (Évaluation clinique et étude d’impact économique de l’intervention de Conseillers en Environnement Intérieur (CEI) au domicile des patients asthmatiques) a permis de voir si l’intervention d’un CMEI était coût-efficace et si cela et si permettait une réduction des symptômes des patients suivis. Les premiers résultats de cette étude sont très encourageants.
Récemment, une Député, Madame Agnès Firmin Le Bodo a déposé un projet de loi pour l’amélioration de la prise en charge de l’asthme où le remboursement des visites est proposé et le développement de postes et la pérennisation de ceux qui existent. Ce nouveau métier permet une prise en charge validée et logique des maladies respiratoires et allergiques liées à la pollution de l’environnement intérieur. De plus, 1/3 de la population naît après 1980 est cliniquement allergique, ce nouveau métier sera appelé à se développer.
(1) D.M. Brandt, L. Levin, E. Matsui, W. Phipatanakul, A.M.Smith, J.A.. Bernstein, and American Academy of Allergy, Asthma & Immunology Indoor Allergen Committee.. Allergists’ attitudes toward environmental control: Insights into its current application in clinical practice. J. Allergy Clin Immunol. 2008 ; 121(4): 1053-1054.
(2) F. de Blay, G. Fourgaut, G. Hedelin, D. Vervloet, F.-B. Michel, P. Godard, D. Charpin, G. Pauli, and the Scientific Committee of the MIEC study. Medical Indoor Environment Counselor (MIEC): role in compliance with advice on mite allergen avoidance and on mite allergen exposure. Allergy 2003 ; 58: 27 33.
(3) W.J. Morgan, E.F. Crain, R.S. Gruchalla, G.T. O’Connor, M. Kattan, R. Evans, J. Stout, G. Malindzak, E. Smartt, M. Plaut, M. Walter, B. Vaughn,
H. Mitchelle. Results of a home-based environmental intervention among urban children with asthma.New Engl J Med 2004; 351:1068-80.
(4) J. Krieger, T.K. Takaro, C. Allen, L. Song, M. Weaver, S. Chai, P. Dickey .The Seattle-King Country Home Project: Implementation of a Comprehensive Approach to Improving Indoor Environmental Quality for Low-Income Children with Asthma. Environ Health Perspect 2002 ; 110: 311-322.
(5) C. Speyer-Olette. Conseillère Médicale en Environnement Intérieur, Bilan et suivi de cinq années d’exercice. Rev Fr Allergol 2009; 49: 577-581.
(6) K.Sedkaoui-Aumerzouk, A. Didier. Enquête environnementale domestique Rev Fr Allergol 2004 ;44: 363.