Sylvie DE GENTILE, Intervenante dans le Master 2 Investigations financières à l’échelle européenne en EAD

Mon premier domaine d’expertise est le contrôle fiscal en tant que maitrise des procédures et plus spécialement, le contrôle en environnement informatisé. J’ai participé à l’élaboration des textes fondateurs de ce mode d’intervention et des procédures spécifiques à mettre en œuvre, à la mise en place des nouveaux dispositifs de facturation électronique ainsi qu’aux évaluations menées sur les logiciels comptables permissifs et frauduleux. Cette période a été particulièrement riche en expériences comme, par exemple, la mise en œuvre des investigations informatiques dans le cadre des perquisitions judiciaires et fiscales pilotées par la Direction Nationale des Enquêtes Fiscales (DNEF).
A l’issue de cette période, j’ai publié en 2006 un ouvrage technique à but pédagogique aux éditions Francis Lefebvre intitulé : Le contrôle fiscal des comptabilités informatisées.

Mon second domaine d’expertise recouvre les compétences en management d’équipes et d’organisation, action complémentaire du pilotage stratégique afin de faire évoluer les pratiques et les structures en phase avec les évolutions des Finances Publiques : fusion DGI-CP, transfert d’activité, informatisation, professionnalisation. En effet, dans ce contexte, la construction des nouvelles organisations ou missions implique un accompagnement fort des équipes et un dialogue social permanent.

Enfin, ma dernière expertise s’est construite en tant que directrice d’une structure spécialisée en contrôle fiscal, ce qui m’a conduit à piloter des dossiers à forts enjeux d’entités ou de personnes participant à des schémas d’évasion fiscale agressive. Ces comportements sont sanctionnés par le délit de fraude fiscale et impliquent des échanges avec les procureurs concernés. Suite à la loi du 23 octobre 2018 de lutte contre la fraude fiscale sociale et douanière, les relations avec la Justice ont évolué, vers des échanges plus approfondis entre l’administration fiscale et l’institution judiciaire, notamment avec la possibilité d’aboutir selon les conditions établies par le Procureur, à la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) ou bien la convention reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). S’agissant de dossiers à enjeux financiers importants, portant souvent sur des biens d’exception ou des schémas de fraude complexe, cette coordination avec les enquêtes judiciaires est un levier majeur pour faire aboutir la sanction fiscale et la condamnation pénale via une amende importante.

A l’Université de Strasbourg, la formation dispensée a pour objectif de faire comprendre la démarche d’investigations financières au plan fiscal, qui par ses composantes techniques, son environnement international, les différents acteurs concernés, l’évaluation de la fiabilité des actifs, est similaire aux investigations financières axées sur la lutte contre le blanchiment.
Cette similitude d’environnement et d’enjeux permet d’introduire plusieurs sujets fiscaux ayant de fortes similitudes avec les dispositifs de blanchiment, par exemple les fraudes comptables dans une approche opérationnelle en environnement informatisé, le dispositif des prix de transfert et les organisations sous-jacentes, les effets de la fausse domiciliation à l’étranger et différents montages de fraude fiscale.
Tous les sujets présentés dans cette formation sont documentés à partir de publications parues dans la presse, dans la mesure où les diffusions sur le sujet de la fraude sont désormais reprises par les grands médias, les quotidiens ou bien certains ouvrages spécialisés. Cette évolution permet ainsi de présenter les organisations frauduleuses détectées dans les « Panama Papers », les effets directs « luxleaks » et swissleaks » et les schémas d’évasion fiscale utilisés par les GAFAM.
Ces cours assurés avec l’aide de deux collègues toujours en activité permettent de lever le voile sur la face cachée de la fraude fiscale internationale fortement liée au blanchiment tout en présentant les dispositifs de régulation et de sanction, notamment les interactions entre la fraude fiscale et l’action pénale, en constante évolution.

Cette formation est entièrement dispensée par des professionnels exerçant dans le domaine du contrôle fiscal et repose sur l’association de 3 actions complémentaires qui sont autant de points forts :

– une démarche simplifiée de présentation des principes fondamentaux en droit comptable et fiscal notamment en matière de domiciliation, associée aux limites des outils utilisés et de la réglementation en matière de fiscalité internationale ;
– une pédagogie par l’exemple pour expliciter le fonctionnement des règles majeures et leur contournement via des schémas de sous-évaluation des actifs, de dissimulation de revenus dans la fraude ou d’évasion fiscale ;
– une articulation des risques et des sanctions pour définir une cartographie des risques et expliciter les relations entre la fraude fiscale, la sanction pénale pour fraude fiscale et le délit de blanchiment.

Cette formation, qui n’implique pas de connaissance fiscale ou comptable préalable, permet de lever le voile sur les failles des dispositifs, d’alerter les enquêteurs sur les marqueurs du risque, de cerner les implications financières internationales afin de leur donner une lecture pertinente des flux financiers et des transferts d’actifs entre les différents acteurs concernés.
Ces principes de base acquis et documentés permettent de définir une démarche d’investigation financière adaptée à l’échelle européenne ou mondiale, de façon à détecter et évaluer avec pertinence les différents dispositifs à risque mis en œuvre dans le cadre des échanges internationaux.